La malle aux souvenirs

Quels chicaneurs nos arrière-arrière grands parents!

Texte retranscrit d'après un exploit d'huissier trouvé dans un grenier.

Le vingt sept Octobre mil huit cent soixante deux à la requête d'Anne Marbot, veuve G., propriétaire cultivatrice demeurant à la Garnie commune de Nonards laquelle agit tant en son nom personnel que comme tutrice légale et administrative des biens de Jean G. son fils mineur.

Je, Pierre Reyt huissier du tribunal civil de Brivezac résidant à Beaulieu, soussigné, certifie m'être transporté au domicile de Guillaume V et de Julie Marbot, mariés propriétaires cultivateurs demeurant ensemble au même lieu de la Garnie et leur ai fait l'exposé suivant .

Ma requérante en qualité possède au même lieu de la Garnie une terre et jardin avec un pré tout tenant et confrontant à Rougier ainé, à Flamary et aux dits mariés V. Une haie vive sert de clôture entre la propriété de ma requérante et celle de V. Cette haie appartient toute entière à Anne Marbot. C'est elle qui l'a élaguée depuis long temps et notamment plus d'un an et jour et s'il est arrivé, il y a quelques années, des contestations suggérées par les dits mariés V., un arbitrage amiable les a convaincus du droit exclusif qu'a toujours eu Anne Marbot d'entière propriété de la dite haie. Cependant le vingt du présent mois d'Octobre, ma requérante avait attaché sa chêvre non loin de la haie qu'elle broutait sans doute lorsque l'épouse V. s'armant de pierres accourut droit à elle et l'en a accablée de coups.

Le lendemain, jour de lundi, le sieur V. s'est empressé d'aller élaguer la haie et se disposait à emporter les buissons ou ronces en provenant lorsque Anne Marbot informée à temps s'y est opposée, mais les mariés V. profitant de leur supériorité de force l'ont accablée de coups et notamment Julie Marbot qui s'était saisie d'une longue perche et l'en frappait dans toutes les parties de son corps. Ma requérante ne sera pas en peine de montrer à la justice les traces de coups violents qu'elle a reçus. Elle offre de justifier également que Julie Marbot l'a insultée, calomniée, traitée de voleuse, de P., de femme capable de tout, même de voler des raisins de Mazeyrac pour aller les vendre sur la place publique à Beaulieu, qu'elle avait aussi volé du froment et cherché à lui faire périr un cochon.

En conséquence et attendu que d'un côté Anne Marbot doit conserver les intérêts de son mineur et demander le maintien en possession de la haie dont il s'agit, que d'un autre côté elle ne saurait laisser peser sur sa tête une accusation flétrissante, j'ai donné citation aux dits mariés V. à comparaître le trente du courant jour de jeudi à midi par devant Monsieur le juge de paix au canton de Beaulieu en son prétoire pour, après que l'épouse aura été autorisée de son mari ou à défaut par la justice, voir dire que c'est sans droit comme sans qualité qu'ils se sont permis d'élaguer la haie qui borde la haie de ma requérante, voir dire que celle-ci sera maintenue dans sa possession de la dite haie, possession qui remonte à plus d'an et jour et pour s'entendre conjointement et solidairement condamner les mêmes mariés V. à cent francs de dommages et intérêts envers ma requérante et pour tenir lieu de préjudice à elle causé par les faits ci-dessus qui seront établis au besoin avec dépens.

Dont acte

J'ai laissé cette copie à V. en son domicile parlant à sa personne.

coût sept francs trente cinq centimes.