Un vieux métier de nos contrées
Entre
« Matines » et « Trizelat »…
Le sonneur de cloches
Je ne sais pas s’il
s’agit d’un véritable métier.
Je l’ai pratiqué pendant plus de trente ans, c’est à
dire sonner les cloches selon les coutumes du pays.
A midi, la petite cloche un petit moment à la volée, et ensuite,
tinter trois fois, trois coups avec une cloche, puis avec l’autre…
Le dimanche, une heure avant la messe, pendant deux ou trois minutes, à
la volée avec la petite cloche, et au début de l’office,
tinter trois ou quatre fois.
Le plus compliqué, c’est lors des obsèques. Sitôt
informé du décès, on sonne le glas : tout d’abord,
tinter trois fois avec la grosse cloche, si c’est un homme, et avec la
petite si c’est une femme, puis à toute volée avec chaque
cloche pendant cinq minutes, ensuite les deux ensemble.
De cette façon, la population sait au moins déjà s’il
s’agit d’un homme ou d’une femme…
Le matin, à midi, et le soir, à l’angélus, on sonne
à nouveau les deux cloches ensemble jusqu’aux obsèques,
et leur timbre accompagne à l’arrivée à l’église
et au départ au cimetière. Mais, pour cela, j’ai besoin
de mon fils : chacun la nôtre !
Pour un mariage, c’est aussi les deux cloches, à toute volée,
une heure avant la messe, puis à l’arrivée des mariés
à l’église, et à la fin de la cérémonie.
Pour un baptême, on monte en haut du clocher, et prenant le battant à
la main, on tape sur la cloche un petit moment : cela s’appelle «
le trizelat », et les deux cloches ensemble pendant un moment, suivant
la générosité du parrain !
On sonne aussi à toute volée lors des fêtes religieuses.
La coutume d’autrefois voulait que du 17 au 24 décembre, à
20 heures, on sonne « les matines » pour annoncer Noël.
La coutume s’était perdue, mais semble vouloir revenir depuis peu.
Nous partions donc à deux dans la nuit et le froid pour « carillonner »
pendant cinq minutes.
Je suis maintenant déchargée de tout cela, étant la dernière
de la région ; depuis un mois les cloches sont électrifiées.
Inutile de vous dire que lorsque je les ai entendues sonner « seules »
pour la première fois, j’ai eu un petit pincement au cœur.
Mais qui se souvient encore du sonneur de cloche ?…
Texte et propos recueillis par Simone Tavé