Comment retrouver la Ménoire ?

Floréal Gutierrez

Depuis quelques années, chaque été ou presque provoque l'assèchement du ruisseau la Ménoire sur deux kilomètres, dans la plaine de Nonards.

Vox populi :

-"C'est la faute du progrès et du réchauffement de la planète ! De toute façon, que voulez-vous que l'on y fasse ? C'est comme ça !"

Et bien, détrompez-vous, chaque modification du comportement d'un ruisseau trouve son explication. Parfois, le simple abandon de coutumes et d'usages que l'on perpétrait sans en connaître tout à fait ni les origines ni les finalités peut entraîner des conséquences imprévisibles.

Alors que leur entretien et leur édification n'étaient déjà plus d'actualité, les derniers barrages de bois immergés de la Ménoire ont volé en éclats sous les coups de butoirs des inondations de 1993 et des précédentes, faisant disparaître du même coup les petits biefs artificiels qui se succédaient tout au long du cours de la Ménoire. Cette succession de petits barrages ne devait rien au hasard ; si nos ancêtres s'escrimaient à faire tomber ici ou là quelques arbres en travers du ruisseau, c'est parce qu'ils respectaient les traditions nées de l'observation de leurs aïeux. Le ruisseau de la Ménoire s'étale ou se précipite depuis sa source sur le plateau de Roche de Vic entre Tulle et Beaulieu jusqu'à son embouchure dans la Dordogne, au Moulin Abadiol en parcourant deux secteurs géologiques bien distincts, en amont d'Arnac les marches finissantes d'un plateau granitique étanche, en aval les confins du bassin Quercinois plus calcaire dont la stratification permet des infiltrations donnant naissance à des réserves d'eau et à des rivières souterraines aux résurgences souvent fort éloignées.

Si la Ménoire disparaît en été, c'est parce qu'elle fuit.

J'entends déjà d'ici les rieurs :

-"Tu ne sais pas la dernière ? La Ménoire fuit ! Il faudrait sans doute lui mettre un bouchon !"

Riez si vous le voulez ! C'est pourtant bien de cela qu'il s'agit. Comme dans les cauchemars arithmétiques de notre enfance, le débit du robinet d'alimentation affaibli en été par les conditions climatiques et par les captages de Roche de Vic fournit moins d'eau que le fond calcaire entrecoupé de failles géologiques n'en laisse échapper.

Il suffirait de remettre à l'honneur la confection et l'entretien des barrages déjà cités pour que les dépôts de limons et sédiments sur le lit du ruisseau colmatent les brèches géologiques en agissant comme un anti-fuite naturel. Ces petites retenues favoriseraient l'oxygénation de l'eau par les cascades qu'elles provoqueraient mais aussi la formation de biefs dont les eaux calmes sont propices au développement de la faune et de la flore aquatique.

- Réagissons, la plaine de Nonards ne doit plus aspirer ce ruisseau, maillon indispensable de la chaîne écologique dont notre bien-être dépend.

- Allons-nous laisser le poisson déserter ce vivier naturel ?

Retrouvons la mémoire et domestiquons à nouveau les eaux de la Ménoire dont les mystères sont loin d'être insondables.

Floréal Gutierrez