Vieux chemins de la Garnie

Essayons d’imaginer notre village de La Garnie, gros hameau de plus de 75 feux, il y a 150 ans. Il n’y avait aucune route pour y accéder, que de vieux chemins creux, étroits, souvent bordés de hautes haies. Pourtant il s’y poursuivait une activité agricole et artisanale assez intense. Les charrois se faisaient avec des charrettes tirées par des bœufs le plus souvent et parfois avec des voitures à chevaux : bien des maisons possédaient un cheval avec un char à bancs et même une voiture à quatre roues. Mais bien sûr, les gens marchaient beaucoup à pied. Alors ils ne suivaient généralement pas le chemin, ils filaient par les sentiers au plus court.

La première route ne fut construite que vers 1840 semble-t-il. Elle suivait un peu le tracé de l’ancien chemin vicinal n°1 qui partait de la route nationale au lieu dit des quatre chemins au coin de la maison Barrière et remontait jusqu’au Peuch en traversant le village.

La route qui descend de la chapelle vers la mairie de Nonards ne date, elle, que des années 1910.

Quant à la route qui rejoint la Rougerie, elle ne serait ouverte que depuis 1928 ! Avant il n’y avait semble-t-il aucun chemin qui permettait de relier La Garnie et la Rougerie pourtant si proche.

Enfin la route qui relie la Croix du Bellet à celle du Salavert, desservant la Boussière est récente.

Le chemin vicinal n°1 (en vert sur le plan) qui semble être le plus ancien, partait donc de la route nationale 140, de l’époque, au coin du restaurant Barrière et se dirigeait tout droit pour enjamber le ruisseau, la Ménoire, par un vieux pont de pierres, un pont assez étroit, fait d’une voûte assez basse en anse de panier en pierres. Il était bordé de deux petits parapets de pierre épais mais assez bas. Ce pont fut emporté par un violent orage, en 1956 je crois. À partir du pont de Salavert, le chemin suivait le ruisseau de la Dancie. Il passait donc derrière la petite butte où se trouve le trou du blaireau. Il venait rejoindre ensuite la Croix de la Dancie puis reprenait le tracé de la route d’aujourd’hui jusqu’en haut des Chassagnals. Là, il allait un peu vers la droite et devenait chemin creux entre le pré de Jean Marie Roume et celui d’Yves Rougier, dit pré de la Dame. Le chemin vieux montait ensuite tout droit jusqu’au lavoir et virait pratiquement à angle droit pour regagner la Croix Bleue. Ce virage du lavoir était particulièrement dangereux : à la montée, il empêchait de doubler l’attelage et, à la descente, il pouvait entraîner des renversements de chargement.

Ensuite ce chemin zigzaguait dans le village, puis virait brusquement vers la gauche, pour commencer son ascension de la colline. Passant devant chez Jeannette Decq puis vers la chêvrerie, la Soulotte et enfin le Peuch où il rejoignait la route de la " Pointe du Pied ", dite " Route Royale ".

Il va sans dire que ce chemin était difficile, étroit, souvent bordé de haies qu’il fallait tailler tous les ans avant la rentrée des foins et des moissons. De plus, il était hérissé de " coupe-eau ", sorte de cassis comportant un épais bourrelet pour détourner les eaux de pluies, ce qui faisait cahoter les voitures et les charrettes à chaque passage.

L’autre chemin descendant de la chapelle à la mairie de Nonards (en jaune sur le plan)suivait le tracé de la route actuelle, du moins jusqu’à la Croix du Bellet. C’était un chemin creux, étroit, bordé de hautes haies. Tellement que deux attelages ne pouvaient pas se croiser. La charrette chargée en principe prioritaire sur la vide, entraînait bien des incidents. On raconte que mon grand-père, Léopold, avec sa charrette et Amédée Flamary s‘entêtèrent et refusèrent chacun de reculer : il s’ensuivit une altercation bruyante, les passants accourus donnèrent la priorité au plus âgé. On en parla longtemps dans le village.

À partir de la Croix du Bellet, ce chemin descendait directement vers la Roche, abrupt, pierreux, passant entre la maison et la grange de chez Verpi pour plonger vers le ruisseau en passant devant la maison de chez Dom, puis il tournait vers la gauche pour franchir le ruisseau sur un pont de bois. Ensuite il serpentait dans le village de la Roche pour aboutir sur la route nationale en face de la maison Bedocq. C’est dire que dans cette dernière partie de son parcours, il était difficile à gravir pour un attelage soit de bœufs ou de chevaux. Le vieux tracé de ce chemin restait encore il y a quelques années : il s’était transformé en sentiers où passaient les enfants pour aller à l’école.

Le chemin du Bouix (en rouge sur le plan) qui partait de la Croix Bleue était également étroit, il allait directement en droite ligne jusque devant chez Magne puis tournait chez Alberte Bouny.

La partie qui longe la maison de chez Jean Marie Roume n’était pas ouverte devant chez Pierre Pradel. Ensuite le chemin toujours très étroit descendait au Chauze pour continuer dans les champs et rejoindre la Croix du Bellet. Ce chemin du Bouix fut élargi dans sa partie supérieure vers les années 1930 je crois. Quant à la partie vers le Chauze et la Croix du Bellet, elle ne le fut que vers les années 1960 me semble-t-il.

Un autre vieux chemin desservait les terrains du bas (en orange sur le plan). Il partait du Chauffourt, montait directement verts la Grotte et rejoignait la Croix du Bellet. Cette partie est d’ailleurs restée telle qu’elle était autrefois, sauf que les tracteurs en ont élargi les bas-côtés avec leurs gros pneus.

Ce chemin continuait donc vers les Boussières pour aller retrouver le chemin vicinal n°1 au niveau du " trou du blaireau ". Je pense même qu’il devait continuer vers le Moulin d’Arnac. Cette partie est devenue la Route des Boussières dans les années 1960.

Il reste toujours le chemin qui descend vers la Gorce (en bleu sur le plan). Il part de la grangette Flamary et descend vers le Chardaillat, vers la Gorce. Celui-ci est resté " vieux chemin " !

Que dire de ce vieux chemin qui menait directement de la Garnie à la Dancie ! Il est en partie bouché, notamment dans sa partie la plus pittoresque, où il descendait creux profond, vers le petit ruisseau du Combal. Il fut doublé par un sentier où passait tous les jours, à pied, le facteur.

Enfin, il en est un autre dit du Plantou (en violet sur le plan), qui part de la Croix et qui rejoint la route de la Pointe du Pied, à la Croix de Saint Pierre. Au départ, il a été élargi, ce qui fait la joie de nos jeunes motocyclistes. Il est encore fermé par endroits par les halliers envahissants. Il desservait tous les bois et permettait de gagner Chenaillers. Bien des attelages chargés de quelques tonneaux l'ont gravi en pleine nuit afin d’éviter de fâcheuses rencontres !

Tous ces vieux chemins demandaient un entretien régulier : taillage des haies, nettoyage des nombreux cassis, empierrages etc… Cet entretien était assuré par les gens du village : plusieurs fois par an, on formait un groupe d’hommes amés d’outils : pelles, pioches, serpes, qui travaillaient dur toute la journée. Ils réparaient, nivelaient, débroussaillaient afin de rendre plus praticable le chemin ! Je me souviens dans ma jeunesse y avoir participé. C’était une journée pénible mais très conviviale où chacun apportait son casse-croûte et sa chopine. On passait finalement un bon moment entre hommes en se racontant quelques bonnes histoires.

Ces vieux chemins représentaient une pénibilité et un véritable handicap par leur étroitesse et leur raidillon. Bien des hommes et des bêtes s’y sont usés. L’été ils devenaient poussiéreux, tandis que l’hiver, ils devenaient boueux et bêtes et gens en sortaient difficilement.

Pourtant ils avaient leur charme : chaque virage avait une histoire, les haies embaumaient le printemps et beaucoup d’arbres fruitiers avaient leurs frondaisons qui débordaient sur le chemin. Ce qui permettait de se régaler au passage de cerises, de prunes que l’on cueillait directement de la charrette.

À suivre

Edmond Rougier